Toulouse, Hôtel Ibis, quartier des Ponts-Jumeaux. Un gîte comme on en trouve partout. Chaleureux et sans prétention. Dans le hall d'entrée, un homme se cache sous son pull à capuche rouge. Son accent british et sa tasse de thé le trahissent assez vite.

« Hello ! »

C'est Malcolm Blackburn, vice-président de la ConIFA (Confederation of Independent Football Associations). Le Michel Platini de l'alternatif. Mais ce n’est pas sa seule casquette. Malcolm est aussi le manager de l’Île de Man. Lui et ses joueurs passent dans la « ville rose » pour affronter l’Occitanie en match amical. Nous sommes le 30 décembre 2014, à quelques heures du début de la rencontre.

La poignée de main est rude, mais le sourire est franc. Ça doit être ça, la fameuse hospitalité britannique. Les politesses passées, Malcolm, la cinquantaine, rentre dans le vif du sujet. Il est là pour raconter son bébé. La ConIFA. Un projet un peu fou. La réincarnation du football vintage. Le plaisir et la passion. La conception du foot tel qu’il l’aimait, qu’il l’aime et qu’il l’aimera.

Pour lui, la ConIFA, « c’est l'amitié. La compétition. Et la passion ». Il suffit de regarder la liste des pays adhérents à la ConIFA pour le comprendre : le Kurdistan côtoie les Roms ou la Laponie. Un tour du monde en 80 secondes. Et sans bouger de cette fameuse chaise en plastique blanc si chère à la chaîne d'hôtels d'Accor.

La ConIFA ne s'est pas construite en un jour. Pour parvenir à réunir neuf équipes venant des quatre coins du monde, il a fallu essuyer quelques échecs. L'idée est née en 2003 dans un pub à Bruxelles. Christian Michelis, Luc Misson (l'avocat de Jean-Marc Bosman), Thierry Marcadé et Jean-Luc Kit se réunissent autour d'une bière. Les quatre hommes discutent, échangent et finissent par accoucher en fin de soirée de la « N.F. – Board » (NFB). Le conseil des Nouvelles Fédérations, en version française, regroupe des pays, des populations et des minorités non reconnues par la FIFA. C'est le début d'un long chemin de croix.

En 2005 par exemple, la première édition de la Coupe du Monde des "apatrides" devait avoir lieu en République turque de Chypre du Nord. Pas la plus évidente des destinations. Et au final, la première Viva World Cup meurt avant d’avoir vu le jour, plombée par les tentatives de récupération politique du pays hôte.

Deuxième tentative un an plus tard. Toujours au même endroit… pour le même résultat. Un échec. Les organisateurs, passionnés mais pas butés, décident d’oublier la piste chypriote et délocalisent la compétition. En novembre 2006, direction le sud de la France. À Hyères exactement. Mais après la défection de la moitié des fédérations inscrites, faute de moyens et d’organisation, seules trois équipes se présentent dans le Var : la Laponie, Monaco et l'Occitanie. C'est peu mais ce n'est pas grave.

Les Lapons, emmenés par huit joueurs professionnels, remportent sans véritable opposition la compétition (21 – 1 en finale !) et deviennent les premiers champions de l’histoire de la NFB. Si le spectacle n’est pas au rendez-vous et que la compétition se déroule dans l’anonymat le plus total, l'essentiel est ailleurs. Le simple fait d'avoir réussi à exister est une victoire en soi.

Forts de ce succès, les quatre acolytes relancent une deuxième, une troisième et une quatrième édition de la Viva. La dernière en date s'est déroulée en 2012, au Kurdistan. Pour tous, il s'agit là de la compétition la plus aboutie. Le moment de gloire des quatre hommes à l'origine du projet. Neuf équipes se disputent le titre mondial en terre irakienne. Un exploit au vu de la situation géopolitique du Kurdistan et des problèmes qu’ils ont rencontrés quelques années auparavant.

Arrive 2014. C'est au tour de la Laponie d'accueillir la compétition. Mais encore une fois, la Viva World Cup ne verra pas le jour... Enfin si, mais sous un autre nom.

Les Incorruptibles dans l'espace Schengen

Installé dans la cour de l’hôtel, Malcolm marque une pause. Malgré le soleil qui réchauffe une partie de son dos, le thermomètre tutoie le zéro et un frisson le parcourt. Il se redresse sur sa chaise de camping. En terme de confort, on a fait mieux. Cet entracte est aussi une manière de marquer une rupture dans son récit. Car c'est à ce moment précis que lui, le natif de l'Île de Man, entre en scène.

Malcolm Blackburn, vice-président de la ConIFA, détaille les conditions d’accession à sa fédération

Comme toujours, son histoire débute par une rencontre. Alors qu’il s’est déjà rapproché de la sélection de l’île de Man, Malcolm fait la connaissance d’un homme au physique détonnant. Une véritable armoire suédoise répondant au nom de Per-Anders Blind.

L’idée de ce passionné de football n’a rien de révolutionnaire mais elle est évolutive. Il veut prendre la relève de la Viva World Cup pour aller encore plus loin dans son accessibilité. Plus d'équipes et toujours moins de barrières à l'entrée. En somme, faire du football le sport le plus fédérateur au monde, sans aucune distinction d’ordre politique ou géographique. L’espace Schengen du football international.

Per-Anders Blind réunit alors une bande d'Incorruptibles et crée la ConIFA. Malcolm, convaincu de la première heure, est de l’aventure en tant que vice-président. Et en 2014, la transition se fait. Fini la Viva World Cup. Place à la Coupe du Monde de la ConIFA. Per-Anders Blind réalise son rêve dès la première tentative. Une réussite qui est aussi celle de Malcolm, finaliste avec la sélection mannoise.

D’ailleurs, à l’évocation de ce souvenir, Malcolm affiche un large sourire. Un double triomphe qu’il raconte avec modestie.

J-10 avant le Mondial brésilien. L’officiel. Celui de la FIFA.

C'est le moment choisi par le Kevin Costner scandinave pour organiser sa Coupe du Monde. Ils ont enfin le droit à leur part du gateau. Parmi les douze équipes présentes à Östersund, l'Occitanie est là. Mais aussi le Darfour, l'Ossétie du Sud ou encore Zanzibar. Une semaine de compétition. Des rencontres en pagaille. Mais surtout plein d'histoires à raconter.

La première d'entre elles nous vient tout droit d'un pays où les joueurs s'entraînent pieds nus. Le Darfur United a réussi à financer le voyage d'une dizaine de joueurs, issus de camps de réfugiés tchadiens, vers la Suède. Tous ont le sourire jusqu'aux oreilles. Ils sont là pour le plaisir et ça se voit assez vite. D’ailleurs ce sont eux qui ouvrent le bal face à la Padanie (région du Nord de l'Italie).

Que la fête commence ! Le coup de sifflet retentit : Et de 1, 2, 3... 11, 12, 13... et finalement 20 à 0. Plus qu'une défaite pour les Darfouriens. Une véritable correction. Mais les onze joueurs sur le terrain n'en démordent pas. Leurs dents sont toujours de sortie et ils ne lâcheront jamais leur sourire du voyage. Car ici, la fameuse devise de Pierre de Coubertin est reine et même couronnée de verbes supplémentaires : l'important, c'est de participer, de partager, de s'amuser et même de se cultiver.

Abdelrazik Haroun Ibrahim, l’attaquant de pointe du Darfur United s’explique : « En arrivant en Suède, forcément, c’était une énorme surprise. De une : on n’a pas eu le temps de s’acclimater. Il faisait tellement froid. Je ne savais même pas qu’il pouvait faire aussi froid. Et de deux : avant ce jour-là, je n’avais jamais vu de pelouse. Alors jouer sur une surface inconnue… »

On en revient aux trois mots clefs de Malcolm. Amitié, compétition et passion. Les Darfouriens, dépassés par l’intensité des autres équipes, s’en remettent donc à l'amitié et la passion. À tel point que huit joueurs de l'équipe ont décidé de rester en Laponie suédoise. Aujourd’hui, ils sont réfugiés politiques. Ils ont fait leur demande de naturalisation. Et en attendant, Abdelrazik se met à rêver d’un destin à la Zlatan Ibrahimovic…

Au même moment, et à quelques milliers de kilomètres de là, le Brésil est en ébullition. Des manifestants s'indignent face aux dépenses excessives engendrées pas le Mondial. Michel Platini, le président de l’UEFA, tient à leur adresser un message : « Faites un effort pendant un mois. Calmez-vous ! »

« Pareil que Mussolini »

Quel que soit le niveau, le football est un projecteur. Au fur et à mesure que la ConIFA grandit, Per et Malcolm s'en rendent compte. Et qui dit lumière, dit forcément récupérations et dérapages. C'est comme ça. C’est inévitable. Si les Incorruptibles font de leur mieux pour faire de l'intégrité leur ligne conductrice, il est toujours compliqué de canaliser Al Capone.

Le premier exemple, c'est cette compétition en 2005 annulée en République turque de Chypre du Nord. Malcolm évoque des pressions : « Pas de menace, mais des lettres ... » Autre souvenir pour Didier Amiel, le sélectionneur de l'équipe d'Occitanie, et autre dérapage. C’était lors d'un match officiel de la Viva World Cup 2009 en Padanie : « J’étais sur le banc. Grosse rumeur d’un coup. Le match a été arrêté car Umberto Bossi (ndlr : président de la Ligue du Nord, un parti d'extrême droite) est rentré sur le terrain. Il est arrivé, il a salué le public et le match a repris. Comme si de rien n'était. On aurait dit un empereur romain. J'ai regardé le quatrième arbitre je lui ai dit : " Mais qu’est ce que c’est ? " Pareil que Mussolini. C’était horrible ».

Tout n'est jamais blanc. Tout n'est jamais noir non plus. La ConIFA est également un monde de nuances. Tout n’y est pas parfait mais les Incorruptibles font de leur mieux pour protéger leur bébé. Et puis en deux ans, on peut dire qu’il a sacrément bien changé. Tous les parents vous le diront et surtout Malcolm, papa dans la vraie vie : plus un enfant grandit, plus il devient difficile à gérer. « Au début, ce n'était qu'un pari. Mais aujourd'hui, plusieurs grosses entreprises s'intéressent à nous. Pour nous sponsoriser. Et pas que pour l'argent. Parce qu'ils veulent être associés à nos valeurs ». Intégrité, éthique et ouverture d'esprit : « Depuis le début, on veille les uns sur les autres pour rester humble. Nous étions et nous restons des bénévoles ». Des bénévoles qui aujourd'hui retransmettent leur match sur Internet et attirent de grandes multinationales. Tout de même…

Passez votre souris pour voir les pays participant à l’Euro

Les neuf régions et populations à participer au championnat d’Europe à Debrecen en juin prochain


Difficile de dire où va la ConIFA pour le moment. Un footballeur vous répondrait : « Vous savez, vous les journalistes, vous vous enflammez toujours trop vite. Mais nous, ce n'est pas notre cas. On n'en est pas encore là. On prend les matchs les uns après les autres ». Mais Malcolm a au moins l'honnêteté de dire qu'il n'en sait rien. Déjà une Coupe du Monde à leur actif et un Euro qui aura lieu cet été du 17 au 21 juin en Hongrie, à Debrecen. Tout ça en deux ans à peine… Tout va très vite pour eux. Mais Malcolm ne se met pas la pression.

« Avec les valeurs qui sont les nôtres, ça ne peut que bien se passer. Vous verrez… »


-1-


L’Occitanie,
terre de Rencontres


Le contact est délicat. À la limite du charnel. Du bout des doigts, Didier Amiel effleure ses pieds de vignes dénudés après la récolte de septembre dans l’Hérault. Au loin, un bruit persiflant trouble la quiétude des lieux. Ses fils, Jordan et Aymeric, taillent à l’aide d’un sécateur électrique les petites branches récalcitrantes. « Le boulot le plus dur et le plus fastidieux, mais le plus important », tranche le paternel. Le vent se lève au beau milieu des neuf hectares.

Didier remonte le zip de sa veste noire estampillée « Occitania » et ajuste son béret rouge pétant : « La vigne, je suis tombé dedans quand j’étais petit. Même si mon père m’a toujours dit : " s’il le faut, je t’y sortirai à coups de pied au cul ! " Il faut dire qu’à l’époque, ce n’était pas facile, mon père en a bavé. Ici, on faisait des vins à 8°C pour couper les gros vins d’Algérie qui arrivaient à 16°C ».

Didier Amiel a rangé sa casquette de vigneron mais parle toujours avec passion de son breuvage et de ce métier qu’il a transmis à ses deux gamins. Enraciné jusque dans l’accent dans cette terre occitane qu’il promeut à qui veut bien l’entendre : « Paratge ! (pas de coquille, il s'agit d'un mot occitan) Notre mot d’ordre. Impossible à traduire en français. C’est la fraternité, l’amour, le partage… Les valeurs de l’Occitanie ».

Son chauvinisme ne fait qu’un tour surtout lorsqu’il disserte sur la réforme des régions qui verra un bout d’Occitanie se restructurer avec la fusion de Midi-Pyrénées et du Languedoc-Roussillon. Avec un scud bien placé pour les gens de son village de 2 700 âmes, Montblanc, et les Héraultais : « Les mecs ils se plaignent que Toulouse devienne la capitale de la région. Et alors putain ? Toulouse capitale, c’est historique. Qu’est-ce qu’ils viennent rouméguer là ? À Montpellier, ils ont tous l’accent parisien ! »

Didier, toujours armé de son béret

L’ancien prof d’Espagnol et de Français (aussi) est incollable sur « son » Occitanie. Géographiquement, historiquement et linguistiquement parlant. Une voiture passe et s’arrête. Le conducteur coupe Didier, parti en pleine discussion sur la prononciation du « f » par les Gascons, comme un « h » aspiré : « Et alors ce match ? » Le ballon rond, enfin.

Car de toutes les passions que Didier Amiel collectionne, il en est une qui le rend plus fou que les autres : le football. Au départ, une rébellion. « La passion du foot pour moi ça a été une réaction car mon père jouait au rugby. J’allais au rugby. Toujours le rugby. J’ai fait mes études au lycée Henri IV à Béziers et j’avais le fameux Raoul Barrière (1 cape chez les Bleus et vainqueur du Brennus en 1961) en professeur de gym. C’était la grande époque de l’ovalie chez les Biterrois. Puis un jour, je leur ai tous dit : " j’en ai marre du rugby ". »

Il troque alors ses gros crampons contre un ballon rond. Numéro dix puis défenseur central, Amiel ne fait pas une grande carrière mais sillonne les quatre coins de la région. Parti pour ses études à Montpellier, l’entraîneur de l’Occitanie a la chance de vivre sa grande aventure footballistique. « J’ai eu une chance énorme je suis tombé sur la génération bénie de 70. On est allé en finale du championnat de France universitaire avec que des gars qui jouaient en DH. La DH à l’époque c’était la quatrième division. Y’avait pas neuf CFA et tout le tralala », raconte-t-il les yeux amplis de fierté.

Nostalgique, il revient rapidement à Montblanc. L’âge aidant, il s’assoit sur le banc de touche pour diriger l’équipe du village. « On est monté pendant quatre ans jusqu’en première série. Équivalent à l’époque de la DHR (septième division). Sans vouloir me la jouer, tout ce que j’ai fait en foot, je l’ai réussi. Je ne me prends pas pour Deschamps. J’ai peut-être eu de la chance », confesse l’homme aux cheveux grisonnants.

Karaoké et solitude

Sa pièce maîtresse : l’équipe d’Occitanie. Depuis de nombreuses années, des équipes régionales se sont créées. Pour cette escouade sudiste, la donne était simple à la base : des profs d’occitan avec un ballon dans les pieds. De vrais linguistes, mais pas vraiment des techniciens hors-pair. En 2006, les Occitans se font balayer par les Lapons et les Monégasques. Didier Amiel arrive en 2008 et prend les choses en main. Avec une idée en tête : « Prendre des joueurs de foot confirmés, qui ont la passion, l’envie de connaître notre Histoire et les amener à l’Occitan ». Le chemin inverse de ce qui était fait auparavant par le fondateur de l’équipe, Pèire Costa, désormais entré en politique sous la bannière du Parti occitan.

Comment Didier Amiel recrute ses joueurs… Exemple le 8 novembre 2014 à Agde pour la réception d’Arcachon. Cible visée : Angel Angulo, attaquant d’Arcachon, au physique détonnant

Amiel sillonne alors seul la partie sud de la France avec sa voiture. Des feuilles vierges pliées dans ses poches, son sourire et sa gouaille comme seules armes pour pêcher des joueurs évoluant en CFA ou CFA 2. Le plan fonctionne. Les joueurs adhèrent et la machine occitane est lancée. Fini les fessées, la Seleccion s’accroche. Lors du premier mondial de la ConIFA en juin 2013, les Occitans sortent aux tirs au but en quart de finale face aux Araméens. Pour donner le change, les sélectionnés vivent des journées rythmées au son de la langue d’oc. « Si on est en compét’, je leur fais une leçon tous les matins. Sinon, pour qu’ils connaissent au moins l’hymne, le " Se Canto ", je leur envoie un lien Youtube pour un karaoké ».

Après une carrière professionnelle avortée, Nabil est revenu aux bases, dans l'entreprise familiale

Nabil Moussi est le prototype même du joueur emmené vers l’Occitanie par Didier Amiel. Né à Vichy (Vichei en occitan), à la limite nord de la linguie occitane, le jeune homme âgé de 27 ans ne connaissait rien de tout cela avant de rencontrer le coach. « Je n’avais pas de notion de culture occitane, après c’est vrai qu’à chaque déplacement, on fait des cours avec des vidéos, des livres. Je le fais par curiosité et parce que Didier il a ce truc pour nous le raconter », sourit Nabil, l’habit sobre, la barbe bien taillée. Il est un joueur choyé dans la sélection et l’un des rares à avoir connu les échelons supérieurs du football. Formé au Toulouse Football Club, il quitte le centre à l’âge de 16 ans, « pas conservé car trop petit ».

Moussi retrouve son Auvergne natale au Clermont Foot, avant que son périple ne se poursuive en National à Martigues puis à Benidorm en deuxième division espagnole. L’histoire tourne court. Problèmes de paiements, blessures, le petit milieu de terrain revient dans l’Hexagone à Clermont en Ligue 2 puis lâche le football professionnel : « J’en avais marre du professionnalisme, de ce qui il y a autour. Marre de vagabonder. Marre de ne pas être stable. » Nabil Moussi s’installe en colocation dans la région toulousaine et crée sa propre boîte de transports avec son père et son oncle. Son nom : Trans Mas Occitan. Il est désormais un gars du cru et même s’il ne parle pas encore la langue parfaitement, il la comprend et chante à tue-tête sur le Se Canto : « Je me suis pris au jeu. Je suis dans la ville la plus occitane, on voit partout cette croix pour s’identifier à cette culture ». Quand il voyage avec l’équipe, et il partira certainement avec l’équipe au mois de juin en Hongrie pour les championnats d’Europe, Nabil est le premier à parler de sa culture d’adoption. Béret sur la tête et croix occitane près du cœur.

« Quand tu pars
avec 25 mecs plus ou moins
célibataires… »


Aux quatre coins de Toulouse, l’Occitanie est là. Une croix gigantesque sur la place du Capitole, les armoiries sur chaque plaque dans les rues et les stations de métro en français et occitan. « J’avais signé une pétition à l’époque où il voulait supprimer la traduction », grommelle Didier Amiel. « Estacion venenta : Canal del Miegjorn », entonne la dame du métro toulousain. Arrivée au bord du Canal du Midi, les bâtiments de verre jouxtent les arbres verdoyants et le commissariat central.

Dans des bureaux partagés avec d’autres entreprises en consulting, Nicolas Desachy, le président de l’AOF (Association Occitane de Football) travaille au beau milieu des bruits de perceuses et de fils suspendus. Il déploie sa grande carcasse et accueille avec le sourire malgré les travaux. Costard cintré, chemise blanche et dossiers sur la table, l’homme est pressé : « Je jongle entre mon boulot et l’équipe d’Occitanie. » Il sort un large classeur noir marqué « AOF » et sautille presque sur sa chaise. « Tout est prêt pour le match contre l’île de Man, je suis enthousiaste, mais il faut que je fasse attention. C’est du bénévolat. Moi j’ai un associé au travail, je dois le respecter et ne pas faire n’importe quoi non plus », explique-t-il plus grave.

Une fonction de président-trésorier-commercial très chronophage. Desachy, c’est la caution de l’ombre de l’Occitanie. L’ex milieu de terrain et capitaine de l’équipe gère toute la partie administrative : budget, sponsoring, organisation. Comme Nabil Moussi, Desachy ne parle pas très bien l’Occitan, mais il y travaille toujours plus depuis des années. Encore et toujours des heures sup’ après son boulot. De quoi faire grincer des dents Madame quelquefois : « C’est chaud quand je pars huit jours par exemple », souffle le jeune homme de 32 ans. « Pour l’Euro sur l’île de Man en juin, si j’ai l’opportunité d’y aller, ça peut jaser. C’est un peu compliqué mais elle le comprend. Elle est psy en entreprise donc elle comprend que c’est une source de plaisir et d‘épanouissement pour moi. »

Il reprend son souffle et esquisse un sourire en coin : « Mais quand tu pars avec 25 bonhommes tous plus ou moins célibataires, ce n’est pas forcément un contexte qui entraîne la confiance dans le couple… »

Lors des compétitions entre membres de la ConIFA, le résultat est important. Mais il y a une chose qui le surpasse : la fête et le partage de culture entre les joueurs des différents pays ou régions autonomes. On bouffe, on se boit quelques bières ou verres de vin, on fait la fête entre les matchs. N’est-ce pas là aussi l’essence du football amateur ?

Dans sa cave à vin, Didier Amiel accompagné de ses deux fistons a sorti quelques bouteilles de pinard de sa dernière vendange.

Rosé, rouge, pétillant, certains vins ont sur l’étiquette la fameuse croix occitane. Ce sont ces derniers qui feront le voyage pour l’Euro en guise de cadeaux aux adversaires. « Lors des compétitions, on apporte tous quelque chose de chez nous. Nous, du vin. Les Italiens, de la grappa. Les mecs du Sud Tyrol, des biscuits, des sandwichs bizarres. D’ailleurs ça, ça n’avait pas trop de succès. Le vin et la grappa y’en avait plus mais les biscuits…», lance Jordan dans un rire communicatif.

Plus loin, à l’entrée de la cave, une ombre apparaît. « Hop Monsieur le Marquis ! » Didier Amiel lui somme de rentrer et l’étreint chaleureusement. « Il a passé 35 longues années à Paris, à la capitale. Mais il n’a pas perdu ni l’accent, ni la foi ». Une foi inébranlable en leur culture et leur patrimoine.

-2-


Pour l’amour
de sa
culture


H-2 avant le match amical face à l’Île de Man.

Dans le fond de la classe, des bâillements. Des sourires amusés. Et des regards dans le vide. Nabil Moussi, Julien Cantier, Ronald Rodas ou encore Boris Massaré sont des vieux de la vieille. Ils connaissent la chanson. Ils sont dans la Seleccion depuis quelque temps déjà et aujourd’hui, comme à chaque fois, Didier ne déroge pas à la règle. Avant chaque match. Avant chaque réunion. Avant chaque rassemblement, il y a cours d’Occitan. Et bien sûr, le professeur de langue, c’est toujours Didier lui-même.

Emporté par sa passion, cet ex-enseignant, parle sans interruption depuis plus d’une heure. Sans exagération. Tel un cours de mathématiques programmé un vendredi en fin de journée, l’interactivité entre le maître et ses élèves s’effrite au fur et à mesure que le temps passe.

Son fils, Aymeric, essaye quand même de lui trouver des excuses : « Il aime beaucoup trop ça. Enseigner, parler, transmettre. Mais le match commence dans une heure. Il n’est plus l’heure de donner un cours. Maintenant il faut parler football ». Interpellé par les bavardages grandissants et les conseils de plus en plus pressants de ses fils, Didier Amiel finit par lâcher prise : « Allez maintenant, tout le monde aux vestiaires ! »


Passez votre souris pour voir les joueurs de l’Occitanie - L’équipe au 30 décembre 2014

Conditions générales d’utilisation

En fait, en acceptant de rejoindre la sélection occitane, les joueurs signent également un contrat tacite. Celui de s’intéresser au minimum à la culture et à la langue occitane. Et au mieux de l’apprendre. Quand Didier recrute ses joueurs, c’est d’ailleurs le dernier point qu’il aborde : « Donc tu es d’accord pour essayer la Seleccion… Super… Ah et oui, il y aura aussi des cours d’Occitan, mais rien de bien méchant ». Les fameuses conditions générales d’utilisation.

Mais au bout du compte, les joueurs ne rechignent pas devant un peu de culture. Bien au contraire. Preuve en est avec Angel Angulo. Aujourd’hui, c’est sa première sélection et il a suivi le cours avec attention. Les yeux pétillants, le sourire en coin, à la fois curieux et admiratif devant autant de passion : « Ça se voit que Didier prend ça à cœur. Et puis c’est du donnant-donnant. Nous, on joue pour une sélection, c’est bon à prendre. Et en contrepartie, il nous apprend la culture pour qu’on la redistribue ».

Enseigner pour redistribuer. C’est donc ça l’objectif pour Didier Amiel. Instruire ses joueurs pour qu’ils puissent en retour partager la culture de ses parents, de ses grands-parents, de sa famille toute entière. Faire en sorte que l’Occitan ne meure pas : « À l’époque, on nous disait que c’était du patois parce qu’il fallait dévaluer cette langue. Il fallait l’éradiquer pour que la République soit forte. Qu’il n’y ait qu’une seule langue, qu’une seule culture… Le Français. Pareil avec le Corse, le Basque, l’Alsacien… Si tu parlais comme ça à l’époque on se moquait de toi. Mon père le parlait mais à l’école il a été sanctionné et puni pour ça. On lui tapait sur les doigts. C’était interdit. Mais mon père l’a toujours conservée ». Et pour Didier, aujourd’hui, la ConIFA est l’endroit idéal pour maintenir en vie son héritage.

Social ConIFA

Malcolm et Didier redonnent un sens à la notion de match amical

Il y a les cours obligatoires donc, mais aussi quelques rendez-vous pour promouvoir l’Occitan sur la région toulousaine. Des événements assez rares.

Et puis, il y a surtout les compétitions organisées par la ConIFA. Un mélange entre cultures improbables. La ConIFA est une plateforme sur laquelle des minorités opprimées, des cultures en voie de disparition, des langues oubliées existent à force de partage et de courage. Un lieu où les Occitans boivent des bières, échangent des fanions, des produits locaux, discutent, représentent, font perdurer leur culture avec des Chypriotes du Nord, des Roms ou encore des Abkhaziens.

À ce propos, Malcolm Blackburn, ne tarit pas d’éloges, « c’est ex-cep-tionnel », l’air de dire qu’il faut prendre la mesure de ce mot utilisé à tout-va. Hors du commun. Qui sort de l’ordinaire. Exceptionnel. La ConIFA est avant tout un lieu de rencontres. Un speed dating géant pour hommes curieux et désireux de partager des cultures inconnues.

Durant les prochains championnats d’Europe en juin, neuf sélections seront à Debrecen. Les revendications et les raisons de leur adhésion à la ConIFA diffèrent, c’est évident. Mais s’il fallait faire des rapprochements, l’Occitanie, l’Île de Man et le Comté de Nice seraient cousins. Un fort sentiment d’appartenance territoriale et une envie de le montrer hors de leurs frontières les rapprochent.

Alors que le peuple Rom, la République turque de Chypre du Nord, la Padanie, l’Ossétie du Sud, le pays Sicule, et l’Abkhazie ont un message plus politisé. Il y a chez eux une plus grande volonté de reconnaissance nationale et/ou internationale. Pas forcément par la FIFA. Pas encore en tout cas. Mais une reconnaissance morale voire politique de leur singularité. Une reconnaissance venant de la part des instances de leur pays, et de manière plus ambitieuse de la part de la communauté internationale. Pour ces sélections, faire partie d’une fédération internationale de football est un premier pas non négligeable. Pour ces sélections, la ConIFA est une oreille qui veut bien les écouter.

Supplément d’âme

Et plus important que tout, il y a le terrain. Combien de joueurs ont déclaré leur amour à la sélection ? Zidane, Deschamps, Platini, Beckham, Ronaldo, Maradona, pour ne citer qu’eux, ont ce point commun : la patrie dans le cœur, les frissons pendant les hymnes, la folie quand ils gagnent.

Joël Congré, frère de, ouvre les portes de son restaurant pour parler football, Occitanie et amour du maillot

Les "apatrides", parce qu’ils ont fait le choix de la terre natale plutôt que la nation, dressent le même portrait quand ils parlent de leur sélection. Et ils ont même tendance à pousser encore un peu plus le trait.

-3-


Le jour J : le seul et l’unique
match de préparation


Mardi 30 décembre, 16 heures. Le rendez-vous est fixé dans une zone industrielle de la banlieue toulousaine. Sur place, des entrepôts, un préfabriqué et une petite enseigne « Trans Mas Occitan ». Devant la porte, un gaillard, physique de rugbyman, monte la garde : « Vous cherchez le patron ? Attendez, je termine ma clope et je vous montre ». L’accueil est sans fioritures, mais il fait chaud et ça sent le café. Deux secrétaires nous sourient. Au milieu des bureaux, Nabil Moussi parlemente avec un de ses employés : « On voit ça demain, je dois bouger mais je te rappelle, je compte sur toi ». Pressé, il jure d’arranger les choses sous peu. Il court partout et puis il trace sa route : « Deux minutes et on bouge, on est déjà en retard ! ».

Dans quelques heures, nous devons être à l’autre bout de la ville, au stade du TOAC de Toulouse. C’est une période stressante, entre les fêtes, le boulot est prenant et il faut jongler entre les congés et les absences. Mais pour rien au monde Nabil n'arriverait après l’heure. Au milieu des rangées de camions, une petite voiture sportive sort en trombe : « L’un de vous monte avec moi ? Allez les gars, on charge le matos, je dois prendre mes affaires et récupérer un joueur sur la route ». Il est 16h10, le jeune entrepreneur a accepté d’être suivi pour cette journée un peu spéciale. Ce soir, c'est le seul et l'unique match de préparation avant la coupe d'Europe. L'Occitanie accueille l’île de Man.

Le film de la journée et du match amical entre l’Occitanie et l’Île de Man (5 – 1)

-4-


Amateur jusqu’au
bout des ongles


Trois matchs. Quarante-neuf buts encaissés. Zéro inscrit. Un bilan à faire tomber à la renverse n’importe quel joueur de football. Pourtant, en ce jour de juin 2014, on est loin du psychodrame. L’équipe du Darfour vient de participer à la première Coupe du monde de la ConIFA et c’est déjà un bel exploit.

Une bulle d’oxygène pour ces migrants qui vivent l’enfer dans un pays rongé par les guerres civiles et pour qui taper dans un ballon rond est la seule distraction. « Là où on joue au Darfour, ce n’est même pas un vrai terrain de football » explique Abdelrazik Haroun Ibrahim, joueur de la sélection. C’est horrible ! Tu peux te blesser à tout moment. Les ONG essaient de nous aider, mais ce n’est pas suffisant. En plus, si vous crevez un ballon sur les pierres, vous devez attendre au moins une semaine avant qu’un autre n’arrive ».

Un Mannois et des Darfouriens à Östersund, Suède

« Imagine qu’ils nous prennent en otage… »

Des joueurs qui n’en sont pas vraiment, mais aussi des organisations qui peuvent laisser à désirer. Les membres de la ConIFA sont à des années-lumière des fédérations bien carrées de la FIFA. Didier Amiel, l’entraîneur occitan, se souvient de la VIVA World Cup au Kurdistan irakien en 2012 : « Quand tu as fait une compétition au Kurdistan, je peux te dire que tu peux aller n’importe où après ça ».

Amiel ajuste sa veste et se gratte le crâne. Son visage se durcit et l’on sent poindre de la tristesse dans sa voix. « Lors d’un déplacement pour un match, on a été escorté jusqu’au stade. Il y avait des engins militaires devant, des roquettes, des anti-missiles et de chaque côté des bagnoles de mecs avec la kalachnikov. C’était pesant, très lourd comme ambiance ». Il reprend une lampée de vin de sa cuvée et rempile : « Un gars en voiture a essayé de s’insérer dans le cortège. Et là, un militaire se lève, sort sa kalach’ et pointe le conducteur. Le mec a mis son clignotant et est tout de suite parti mais j’ai eu une énorme frayeur. C’est un pays en guerre là-bas et tout a défilé dans ma tête. Je me suis dit : "Imagine ils nous prennent en otage…" »

La compétition encadrée comme jamais se déroulera sans heurts, même si elle a fait jaser politiquement en Irak. Les grands pontes du Kurdistan se sont déplacés pour les rencontres et y ont affirmé leurs desiderata. Un outil de propagande à moindre frais. Les membres de la ConIFA ferment les yeux là-dessus. Il en va de l’existence même des compétitions entre ces pays ou ces linguies non reconnus par la communauté internationale.

Les fonds de tiroir

Nicolas Desachy, le président de l’AOF le sait mieux que quiconque. C’est lui qui tient les cordons de la bourse occitane. De prime abord soulagé d’avoir trouvé un nouvel équipementier (Patrick qui équipe aussi l’En Avant Guingamp) : « L’ancien fabricant était occitan dans l’âme mais on a joué avec des maillots XXL en Suède. J’ai des joueurs qui font 62 kilos, c’était ridicule ». Quand il parle de budget, Desachy se crispe.

Par exemple, le match amical face à l’Île de Man a finalement eu lieu, mais ce n’était pas gagné d’avance. Il a fallu trouver un terrain, démarcher la mairie, galérer jusqu’au dernier moment pour le trouver, payer trois arbitres, accueillir les Mannois, leur offrir le couvert, le vin et les bières, leur proposer un spectacle de danse occitane. Le tout dans un temps imparti réduit : « Au début du mois de décembre, on ne savait toujours pas contre qui on allait jouer. C’était soit le Pendjab le 27 décembre, soit l’Île de Man le 30. Et ensuite il a fallu prendre les décisions dans l’urgence. C’est usant ».

Système D

Système D, épisode 2

Les arbitre attendent le coup d’envoi au chaud dans les toilettes

Un prénom, mais aussi le nouvel équipementier de l’Occitanie

Le thermomètre affiche 0°C, système D, épisode 3

Le fameux tour de stade et la communion avec les supporters

"Le bison" en conférence de presse d’après-match

Après l’effort, le réconfort


En clair, pour gérer une sélection amateur, il faut des compétences de chef d’entreprise de PME, de comptable et d’urgentiste. Heureusement pour eux, tout s’est bien déroulé jusque là. Le chat est toujours retombé sur ses pattes. Mais ils ne sont jamais à l’abri d’un ballon crevé (ils en avaient plusieurs de rechange le jour du match amical face à l’Île de Man), d’une panne de voiture d’un joueur ou d’un problème de trésorerie.

Les temps sont durs et son rôle ingrat. Nicolas Desachy fait tourner frénétiquement son stylo. Aujourd’hui, un autre problème, et pas des moindres, se dresse sur sa route. Partir au bout de l’Europe, organiser le voyage, réserver le logement, en étant prévenu deux mois à l’avance, ça a un coût difficile à supporter pour une association non lucrative et bénévole. Même si la plupart du temps, le pays hôte met la main à la poche : « Généralement, l’organisateur assume le transport sur place, l’hébergement et la nourriture. C’est une grosse épine qu’on nous sort du pied. Cela représenterait les trois-quarts du budget. Le quart restant, c’est le transport de chez nous vers la compétition ».

Même avec un montage financier entre les partenaires privés et les donateurs, les membres de l’effectif sont contraints de taper dans leurs économies. « Dans les 500€ pour la Laponie la dernière fois. Aujourd’hui, on cherche à réduire ça à 200-300 pour les joueurs », souffle-t-il. Injouable…

Île de Man, Budapest et finalement Debrecen

La mauvaise nouvelle est tombée courant avril. Initialement prévu sur l’île de Man, l’Euro de la ConIFA aura finalement lieu à Debrecen, en Hongrie, pas loin de la frontière roumaine. Avant l’officialisation, il avait été question de Budapest. Un sacré bazar qui a mis les équipes dans la panade. Seulement neuf « nations » ferreront pour le titre continental. Trois ont déjà jeté l’éponge : Monaco, la Franconie et le Haut-Karabagh, faute de budget suffisant. L’Occitanie, elle, est au bord du précipice et retient son souffle. Un vol vers l’île de Man coûtait quasiment deux fois moins cher...

Nicolas Desachy, à bout de nerfs, cherche la solution miracle : « On est sous la pression des joueurs parce qu’on doit leur donner des dates, qu’ils puissent prendre leurs congés. Il nous manque des sous. L’avion, c’est au moins 400 euros par personne. La seule stratégie qui passe in fine dans notre budget ce serait de prendre un bus. C’est pour ça qu’on communique dans la presse locale. On a été interviewé par La Dépêche du Midi, par 20 minutes et par Metro. L’idéal serait qu’on nous prête ou nous loue un grand autobus ». Angoisse de la date butoir en Occitanie. Nicolas envisage toutes les solutions, dont le financement participatif : « On pourrait lancer un crowdfunding mais pour moi, ça tombe au pire des moments, je n’ai pas le temps, je prends du retard dans mon boulot, j’essaie de concilier les deux mais c’est dur. Je culpabilise par rapport à ça ». Et si finalement la meilleure solution n’était pas celle de Didier Amiel ? « On va essayer de demander au Toulouse FC, peut-être qu’ils pourront nous dépanner ».

La sélection d’Occitanie, comme souvent, ne sait pas si elle pourra être prête le moment venu. Cette incertitude permanente, c’est aussi ce qui fait le charme du football amateur. L’urgence, le temps qui avance, court, sprinte, et jamais à leur avantage, les poches vides, l’odeur du sac de sport, les crampons sales, les maillots trop grands, trop petits, sans sponsor et sans nom, la pluie, la boue, les supporters acharnés, les ballons dégonflés, les terrains stabilisés, synthétiques, les mottes de terre, les barbecues avant les matchs, pendant les matchs, l’odeur des merguez sur le terrain, les consignes de l’entraîneur que l’on n’entend pas, que l’on ne comprend pas, les ballons trop longs, trop mous, la bière d’après-match, les potes, les sourires et les joies simples… Pour le moment, les Occitans paniquent. Plus tard, ils en riront.

La route est encore longue jusqu’à Debrecen.